« Il existe autant de façons d’entrer dans la nuit qu’il existe de nuits et de sensibilités différentes ».
Pourquoi travailler sur la nuit ? Parce que « la nuit déplace les frontières physiques, gomme l’horizon, suspend le temps » (Espinasse et Buhagiar, psychosociologues, 2020). Parce que la nuit, tout semble très différent, même si on sait que tout est identique : la nuit, c’est « l’autre côté de la ville » (Luc Gwiazdzinski, géographe, 2005), son verso...
La nuit, chacun voit la réalité de manière déformée, mais unique, à travers le prisme de sa propre identité. Il existe autant d’interprétations de la nuit qu’il y a d’humains sur la terre ! Et si l’obscurité modèle, estompe, nuance, elle différencie et divise aussi la ville en plusieurs espaces (de nuit, de travail ou de plaisir).
De fait, photographier la nuit en noir et blanc, est un parti-pris très personnel. Néanmoins, la ville apparaît dans sa dimension plus intime, plus graphique, plus poétique. Le clair-obscur raconte d’autres histoires, selon que l’on décide d’appuyer sur l’obscurité ou au contraire d’éclairer certaines ombres... La série qui découle de ces soirées blanches propose donc à chacun de construire sa propre narration, d’imaginer l’histoire derrière la photographie, de donner libre court à son imagination et de rendre, peut-être, sa part de rêve et de mystère à la nuit.
Car la ville se fait plus mystérieuse et féérique, la nuit déposant comme une cape d’invisibilité sur elle, masquant ainsi la misère et le superflu, ne laissant voir que l’essentiel à travers sa mise en lumière par l’éclairage public (lieux de mémoire et espaces communs - rues, quartiers) et privé. Cet éclairage urbain qui permet de multiples relectures de la ville.
D’une invitation au voyage et au rêve, la nuit urbaine a depuis longtemps dépassé le registre de l’imaginaire onirique. Colonisée par les activités diurnes, sur-exposée à un éclairage parfois trop puissant, la nuit urbaine devient progressivement un enjeu de taille. Territoire d’expérimentation et d’innovation, elle invite à réfléchir sur les questions de liberté, d’insécurité, de transgression et d’identification.
2021-2022